Revenant des jardins royaux, Nyviel se sentit bien d’avoir fait le trajet à pied. Elle avait passé par le Sanctuaire espérant y voir Lysia et ne la trouvant pas, elle traversa le bosquet protégeant l’autel. Elle apercevait déjà la clairière, quand elle fut prise d’un malaise, une ombre indéfinissable qui rodait parmi les branches basses. Inquiète, elle crut entendre un sanglot et se précipita vers la pierre. C’est alors qu’elle vit Lysia agenouillée devant l’autel tenant entre ses mains la grande coupe où brûlait habituellement le feu sacré entretenu par les deux prêtresses.
Nyviel manqua de respirer lorsqu’elle aperçut sur le bord de la pierre les traces de sang. Un courant glacé se répandit dans ses veines et tombant à genou aux côtés de Lysia, elle ne put retenir ses larmes. On avait éteint le feu sacré et souillé l’autel. C’est alors qu’elle se rendit compte qu’autour d’elle, le sol était jonché des offrandes de fleurs que l’on avait piétinées.
Les deux prêtresses prostrées restèrent ainsi longtemps sans réagir mêlant leurs larmes, vivant la douleur de l’ombre qui les effleurait. Nyviel fut la première à ressentir le danger, le froid qui montait de la terre commençait à imprégner son cœur, elle tenta avec peine de se relever, secouant la jeune fille qui ne réagissait plus.
- Lysia reviens, je t’en supplie, résiste à l’appel de l’ombre, regarde-moi dit-elle et la tenant par les épaules, l’obligea à la regarder. Lysia faisait peine à voir, son petit visage ravagé par les larmes, marqué d’anxiété.
- Dame je ne mérite plus de servir le temple, je n’ai su garder le feu.
- Belle Lysia répondit Nyviel, nous avons manqué toutes deux à nos devoirs en quittant le Sanctuaire, mais à moi seule incombe la responsabilité de ce malheur. Il est temps de nous ressaisir et de réparer. Lève-toi, sèche tes larmes et file chez le capitaine des Gardes pour l’informer de ce qui s’est passé. Un être infâme rode dans la Cité, il doit en être averti.
Nyviel aida la jeune fille à remettre de l’ordre dans sa tenue et lui fit signe de s’en aller. La suite lui appartenait.
Le cœur déchiré, elle commença par ramasser les offrandes détruites et se rendit à la source proche pour y puiser de l’eau. A genou devant l’autel, elle ferma les yeux appelant l’esprit de son peuple.
- Souvenance des temps anciens, j’appelle le rêve de Nyviel
- Sirssirilis, sylphe je suis, comme un souffle d’air dans le ciel.
Ainsi commença la litanie dans la douce langue sifflée des sylphes, Nyviel prenant sur elle la magie de ses ancêtres répandit l’eau sur l’autel et doucement caressa la pierre pour en faire disparaître les traces honnies. Le chant d’abord lent et triste se fit plus léger au fur et à mesure que la souillure disparaissait.
Elle ramassa ensuite la coupe servant au feu, la nettoya lentement tout en continuant ses prières et y remit les charbons et les résines sacrées. Elle recula d’un pas, défit sa ceinture et détacha le cristal qui en ornait la boucle. Face au soleil, se tenant droite, la pierre transparente entre ses deux mains tendues au-dessus de la coupe, elle commença l’invocation du feu.
- Feu qui appartiens comme nous à l’origine de l’univers
- Du temps où le Grand Etre fit apparaître de son expir
- Dans le grand tourbillon de la naissance des mondes
- Les Eléments dont nous sommes issus depuis toujours.
- Que la Terre et l’Eau, que l’Air qui est mon héritage
- Accompagnent la puissance du Feu
- Et fasse revivre la flamme qui sanctifie cet autel.
- Que s’efface l’offense faite à ce lieu et que reviennent la beauté et l’harmonie.
A ces mots, les puissants rayons du soleil, concentrés dans l’oeil de cristal consumèrent les résines odorantes. Nyviel respira profondément et promena son regard sur la clairière. L’ombre avait disparu, le chant des oiseaux se faisait à nouveau entendre. Alors seulement la prêtresse se détendit, il lui restait encore à renouveler les offrandes…